Que reste-t-il de nos libertés sous l’ère CNRD ? (Par Alseny Sall)
Sans jeter l’anathème sur qui que ce soit et loin d’être pessimiste pour l’avenir de notre peuple qui continue sa marche historique de manière contrastée depuis son accession à l’indépendance le 02 octobre 1958 avec des hauts et tellement des bas !
Avec le recul, on est en droit aujourd’hui de s’interroger : que nous reste-t-il de nos libertés sous l’ère CNRD ? En effet, lorsqu’on prend comme repère le discours du 05 septembre 2021 sur les motivations ayant conduit à la prise du pouvoir dans un contexte de crises de libertés et qui sont entre autres : le piétinement de nos libertés, l’instrumentalisation de la justice, la personnalisation du pouvoir et la politisation à outrance de l’administration, on est donc en droit de se poser cette question quand on regarde le contexte actuel, notamment les questions de libertés, de justice et de politisation à outrance de l’administration. La situation est-elle meilleure avant le 05 septembre 2021 ?
En effet, après la libération des prisonniers politiques sous Alpha CONDÉ, des messages d’espoir aux victimes de violences d’État à travers un recueillement au cimetière de Bambéto et au stade du stade du 28 septembre, de nouvelles maisons de la presse aux médias au lendemain d’un entretien à la présidence, des promesses de lutte contre la personnalisation du pouvoir et la politisation de l’administration et celle de faire de la justice la boussole désormais de la conduite de tout citoyen Guinéen dans l’euphorie de la prise du pouvoir, comme au temps de Capitaine Moussa Dadis CAMARA en 2008 après la mort de Lansansa CONTÉ dans un contexte de crise de libertés et de gouvernance économique, le président de la transition avait convaincu le peuple désabusé par le régiment précédent qui a adhéré sans réfléchir et sans condition pour asseoir les bases d’une vraie démocratie pluraliste où la Loi va être la colonne vertébrale d’une gouvernance vertueuse.
Mais l’euphorie du pouvoir a rapidement cédé la place à la réalité du pouvoir avec ses exigences à laquelle nous avons l’impression aujourd’hui que le CNRD n’était pas suffisamment préparé. Alors que le CNRD avait promis de tenir compte des avis de l’ensemble des Guinéens de l’intérieur et de l’extérieur dans la conduite de la transition, il faut faire remarquer que sur le terrain, son procédé de dialogue politique indispensable pour la bonne marche de la transition a vite été décrié par l’essentiel des acteurs politiques et sociaux représentatifs de la Nation.
En lieu et place d’un cadre dialogue consensuel et inclusif pour la bonne marche de la transition, on assiste à la perpétuation des mêmes pratiques qui avaient été utilisées sous Alpha Condé et Dadis Camara consistant à mépriser les acteurs plus représentatifs. Ce qui a conduit à une crise de confiance qui débouchera plus tard à l’interdiction systématique des manifestations sur les places et voies publiques en violation des engagements internationaux auxquels le pays a souscrit. A la crise de dialogue, viennent désormais se greffer le bâillonnement de la presse se traduisant par le harcèlement judiciaire contre des journalistes, le retrait de licences et fréquences aux médias à grande audience.
Que dire du contraste entre l’engagement du 05 septembre 2021 de lutter contre la personnalisation du pouvoir et la politisation de notre administration et ce qui se passe actuellement sur le terrain où les mouvements de soutien naissent et se traduisent par des meetings, des tournois de football à la solde des ministres au nom du Général alors que l’interdiction des manifs est encore en vigueur.
A ces situations, on constate sous le CNRD, de nouvelles formes de privation de libertés : enlèvements de personnalités publiques, parfois très connues pour leur prise de position sur la conduite de la transition.
Face à la résurgence et l’amplification des maux pourtant dénoncés le 05 septembre 2021, on est donc en droit de se demander : que reste-t-il de nos libertés aujourd’hui ? Voilà une question que tout Guinéen soucieux de l’avenir de ce pays devrait se poser aujourd’hui sans passion ni pression. Les hommes passent mais le système se perpétue.
Alseny SALL