Cas Foniké Menguè et Billo : les Nations Unies adressent une correspondance au gouvernement guinéen…
Dans une lettre datant du 24 septembre 2024, Nations Unies, par le biais de la rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, ont écrit au gouvernement guinéen. Cette correspondance fait suite à la disparition forcée des activistes de la société civile guinéenne, Ousmane Sylla (Foniké Menguè) Mamadou Billo Bah.
Dans leur correspondance adressé au régime militaire de Conakry, Mary Lawlor, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme et Gabriella Citroni, Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, ont saisi les autorités de la transition guinéenne, sur le cas Oumar Sylla (Foniké Menguè) et Mamadou Billo Bah, conformément aux résolutions 52/4 et 54/14 du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.
’Le sort de M. Sylla et de M. Bah et le lieu où ils se trouvent restent inconnus. Sans vouloir à ce stade nous prononcer sur les faits qui nous ont été soumis, nous exprimons notre profonde préoccupation par les graves allégations d’enlèvement et de disparition forcée du M. Sylla et M. Bah. Si ces allégations s’avéraient confirmées, le Gouvernement de votre Excellence aurait gravement violé les droits humains fondamentaux et ses engagements en matière de droit international des droits de l’homme, y compris la prohibition de disparition forcée et de détention arbitraire.
Nous rappelons que la prohibition de la disparition forcée a atteint le statut de jus cogens, et nous attirons l’attention du Gouvernement de votre Excellence sur la Déclaration des Nations Unies sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. La Déclaration établit qu’aucun État ne doit commettre, autoriser ou tolérer des actes conduisant à des disparitions forcées, et proclame que aucune circonstance quelle qu’elle soit ne peut être invoquée pour justifier des disparitions forcées.
Nous attirons l’attention du Gouvernement de votre Excellence sur les articles 6, 7, 9 et 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par la Guinée le 24 janvier 1978, conformément et en liaison avec l’article 2.3 qui garantissent le droit à la vie et à la liberté et à la sécurité de sa personne, et l’article 7, qui interdit la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le doit à la reconnaissance juridique, et le droit à un recours utile.
En ce qui concerne le droit à la vie, le Comité des droits de l’homme établit, dans son Observation générale numéro 36 (CCPR/C/GC/36 para. 57-58), que « le non-respect des garanties de procédure énoncées aux paragraphes 3 et 4 de l’article 9 et destinées notamment à prévenir les disparitions peut également constituer une violation de l’article 6 ». De même, le Comité observa que « La disparition forcée constitue un ensemble unique et intégré d’actes et d’omissions représentant une grave menace pour la vie. Le fait de priver une personne de liberté puis de refuser de reconnaître cette privation de liberté ou de dissimuler le sort réservé à la personne disparue revient à soustraire cette personne à la protection de la loi et fait peser sur sa vie un risque constant et grave, dont l’État est responsable. » Il constitue donc une violation du droit à la vie ainsi qu’une violation d’autres droits reconnus par le Pacte, en particulier par l’article 7, l’article 9 et l’article 16 (droit à la reconnaissance de la personnalité juridique).
L’article 9 garantit le droit de toute personne à la liberté et à la sécurité, y compris l’interdiction de l’arrestation et la détention arbitraire, le droit de toute personne arrêtée d’être informée, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation, et le droit de toute personne arrêtée d’être traduite dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires. Nous rappelons que le Comité des droits de l’homme, dans leur observation générale n°35 (CCPR/C/GC/35), ainsi que le Groupe de travail sur la détention arbitraire, dans sa jurisprudence, ont précisé que toute arrestation ou détention d’un individu en raison de l’exercice légitime de ses droits et libertés garantis par le PIDCP peut être considérée comme arbitraire. Selon la jurisprudence du Groupe de travail sur la détention arbitraire, les défenseurs des droits humains constituent un groupe protégé dont les membres ont le droit à une protection égale de la loi en vertu de l’article 26 du Pacte. En outre, le Groupe de travail a conclu que la détention de défenseurs des droits humains en raison de leur qualité de défenseurs des droits humains est discriminatoire et, par conséquent, arbitraire.
Vous trouverez les textes complets relatifs aux instruments juridiques et autres standards établis en matière de droits de l’homme sur le site internet à l’adresse suivante www.ohchr.org. Nous sommes également en mesure de vous fournir ces textes sur demande.Au vu de l’urgence du cas, nous saurions gré au Gouvernement de votre Excellence de nous fournir une réponse sur les démarches préliminaires entreprises afin de protéger les droits de M. Sylla et M. Bah’’, ont-elles rappelé.
Pour rappel, depuis le 9 juillet dernier, ces deux activistes de la société civile guinéenne restent introuvables. Le 14 octobre 2024, dans un document intitulé « Lettre de Conakry aux Nations-Unies », la coordination de Tournons La Page Guinée (TLP) a déposé une requête auprès du secrétaire général des Nations Unies pour demander l’ouverture d’une enquête urgente, suite à la disparition forcée de ces deux activistes.